L’ESPION DES HABITS ROUGES 9 -——Farf0uille vous l’a dit, mes amis : c’est dangereux, un espion! Faut pas attendre que ca. vous coupe 1e cou ou que ca vous dé- clenche un coup de fusil dans l’oeil ou dans l’nez! —Mais vas-tu bien te taire, Landry! fai- sait chaque fois Dame Rémillard demeuréc derriére son comptoir d’ou elle surVeillait ses hotes avec une inquiétude que manifes— taient nettement ses traits_ Landry lui décochait un sourire narquois en clignant de l’oeil et. reprenait, la. voix plus pergante : —Vous savez, les amis, un espion c’est comme qui dirait un serpent : ca se glisse entre vos jambes sans que vous vous en aperceviez, et puis ca vous darde tout d’un coup! Moi, je me méfie des espions comme des serpents! Or, Landry soufflait sur des braises déja ardentes, et la tenanciere, naturellement, redoutait que sa maison ne devint le thea- tre d’un drame affreux. Le prisonnier ne paraissait nullemont se préoccuper de ce qui se passait autour de lui. Farfouille Lacasse lui avait remis son chapeau sur la téte, et, les yeux toujours rivés sur la flamme du foyer, toujours avec ses lévres dédaigneusement souriantes, ce- lui qu’on appelait l’espion demeurait in- différent en apparence. Du reste, la fumée des pipes l’empéchait de bien voir cette foule grondante de villageois et de Patrio- tes, ct 1e tumulte des conversations ne lui permettait pas de saisir 1e sens des choses qu’on se jetait confusément en-paroles en- trecoupées de jurons, de coups do poings sur les tables, d’exclamations, d’éclats de rire, dc toussements et de frottements de pieds sur lc plancher. Cepondant, do temps a autrc il levait un regard pergant sur la silhouette de Farfouille qui lui tournait lo dos ct 1e masquait a demi aux yeux dos Pa- triotcs ct villageois. Quant a Farfouillc, commo uno sontinel- le Vigilante, i1 dcmcurait appuyé sur lo ca- non de son fusil ot. sans impationco, calmo, attendait 1a docision de l’assemblée. C’é- trait un grand diablo d’hommc quo co Far— fouillc Lacasso, fils do paysan, ago do Ving't- deux a Vingt-trois ans, qui. a la saison d ’hi- ver, s’en allait dans los bois pour no rovo- nir chcz son pore qu’au printomps a la. ro- prise dos travaux do la torro. ()n lo disait chasseur omorito. ot tirour do premiere for- ce. ll était tros blond, pas laid, ot d’un ca- ractoro, ot peu do courours dos bois pou- vaient 1e suivre au travers de la forét. Chaussé de raquettes, i1 allait a pas de gé- ant. Habituellement Farfouille Lacasse partait pour les bois le surlendemain dc la Toussaint; mais‘ cette annéc-la lo docteur Nelson lui avait dit, un jour : ——()n a besoin de toi et de ton fusil. Far— fouille, cet automne. ———Ah ben! monsieur 1e doctcur, YOHS n’a— vez qu’a me prendro. Faut-il aller vous tucr un chevreuil “'3 ——Non. .. mais tu auras peut-étre a do- fendrc ton village contre les soldats du gou- Vornement. . . tu me comprends‘? —Si je vous comprcnds. . . avait souri le jeune chasseur, je vous crois ben! C’est bon, je serai au poste! ———Tu as des balles ot de la, poudre‘! ——En masse, monsieur 1e docteur! —C ’est bon, on comptera sur toi! Et Farfouille était demeuro pour dé-- fendre son village. Mais i1 n’était pas un meurtricr, pas plus- que les Villageois ct les Patriotes réunis dans l’aubergo de Dame Romillard n’é- taient des assassins. Tous ces gens étaient menacés, ot ils Youlaient se protégen Pa- pinoau lour avait dit que la parole était impuissante a se faire entendre a Quebec, 51 Montreal, a Kingston et a Londres, et qu’il no resterait bientot plus qu’a fairo parlor les fusils. On avait donc apprété le peu de fusils qu’on avait. Aussi, oroyait- on étre dans son justo droit on exécutant un compatriote qui était un traitre et un espion, par consequent un onnemi dangow roux! Si c’otait la, g’uorro. on prenait un droit do guorro: pas do quartior, point do morci! Voila. lo point sur loquol on es- sayait do s’ontendro parmi oos gens hon- notos, braves ot couragoux qui. dans les jours ordinairos, n ’oussont pas trouble l’o— cho du firmamont. ot qui. paisiblos. rotiros dans lours at't'airos ot lours foyors. croyant fornlomont quo oo pays otait Io lour puis- qu’il otait l’oouvro do lours a'ioux. assuros qu’ils avaiont droit aux lihortos dont ils avaiont toujours ou la ,iouissanoo. no do- mandaiont quo la paix. la tranquillito ot lo rospoot qu’on doit a tout hommo digno do oo nom ot a touto raoo fioro do son oi'ig'ino! Alors, un silonco rolatif s’établit of pros- quo toutos los figuros so tournoront du can: du prisonnior ot. do Farfouillo Laoasso. ———Ell lion? intorrog'oa oo dornior. Jo ponso. dit un dos l’atriotos, faudrait lui fairo son affairo. qu ’il