Le Mentréal fies années 30 et 40
par Yves Thériault
Méme a travers les ro— mans, on a peu écrit sur la vie quotidienne au Québec dans les pires époques. Les journaux, certaines revues, quelques rares essais, ont
‘ tant bien que mal révélé
l'obscurantisme de ces temps. D’aucuns, dont je suis, les vécurent et arri— vent mal a les écrire, tant elles sembleraient incroya— bles aux plus jeunes, ceux d'aujourd'hui.
Le récit de Therese Re- naud, publié chez Hurtu— bise HMH sous le titre Une mémoire déchirée. a bien d'autres valeurs, c’est stir, mais il y a cette premiere partie, celle de son enfance et de son adolescence, qui m'ont fait retrouver des coleres que je voulais avoir ou- bliées. ll n'y aurait que cela dans le récit qu'il
aurait une dimension ra- rement vue ici.
Mais il y a plus. H y ale cheminement d’une fille qui a cotoyé le milieu qui fut a la fin le plus impor- tant de notre présente ere, celui du Refus Global, celui de Borduas, Leduc, Claude Gauvreau, les au- tomatistes, l'émergence de Riopelle, un temps béni qui rejeta les cangues, qui "refit le monde" et lui donna fier visage. Peut— étre ne découvrons-nous pas ce monde en devenir et les travaux d'équipe de cette cohorte avec autant de détail réaliste que nous le voudrions, et c'est par bréves lueurs, et une vi- sion floue a travers l'au— teur qui nous la révele, mais est—ce magie de style et pointillisme deli— béré, et peut—étre aussi le caractére méme de The-
Conte pour enfantsa
Force, tendresse et rage de vivre soufflent comme un vent déchainé sur la vie de Matthieu Rousseau, héros du roman LeWapiti de Monique Corriveau ré- édité aux éditions Fides dans la collection du Goéland.
A l’époque de l’Améri- que en friche, un adoles- cent de quinze ans rejeté par une France hostile choisit l’aventure et dé- cide de s'embarquer a bord du voilier La Vail— lante. Une~ fois arrivé a Ouébec en Nouvelle- France, Matthieu doit faire face a toute une suite d’é- vénements inattendus dont la trame principale le conduira chez la tribu des lndiens Seskanous ou il deviendra Le Wapiti a tra- vers l'apprentisSage d'une
par Francoise Lafleur
le wapiti
nouvelle vie. Cette oeuvre, I'une des meilleures de Monique Corriveau, chan- te un hymne a la nature et a tout ce qui vit: rien ne peut détruire l’audace et la determination de Mat- thieu Rousseau.
Méme si ce livre s‘adres-
rese Renaud qui se révele, mais Refus global prend son sens. Ne serait-ce que par syllepse. En tout cas, cette fille appartient trop justement a cette époque pour l'en pouvoir exclure.
Pour moi, c'est un livre extraordinaire, et je veux que vous le Iisiez tous, car une image s'en dégage: d'abord celle d’une femme qui, a beaucoup de points de vue, est curieusement contemporaine et a un point tel que les jeunes dont on devine aujour- d'hui les angoisses bien de leur temps retrouveront soudain une interlocutrice imprévue malgré son 5196. Et d’aucuns croiront se regarder dans un miroir. Peut—étre saisiront-il l’étendue d'un désarroi pourtant "ancien", mais étrangement semblable au leur. . .
l’indi'enne
se aux 12 ans et plus, les adultes se plairont tout autant a y découvrir un cachet historique en gou- tant avec joie tous les dé- tails savoureux et véridi-
ques sur les moeurs des |n-‘
diens et des habitants de la Nouvelle-France. Le lecteur sous le joug d'un style simple et coulant sera captivé par l'action intense qui s'y déroule a travers des personnages fort bien colorés. Et il sera sans doute tenté de lire a nou- veau la vie de ce héros en- fant qui au fil de diverses péripéties devient peu a peu un homme.
Ce livre a recu le prix de la province de Ouébec lors de sa premiere parution en 1964, ainsi que le prix de la Canadian Library Asso-
>ciation.
importante et rigoureuse
dans son ensemble
par Marie-Andree Hamel
Ouel écrivain prolifique, ce Michel Beaulieu! En 1964, ll publiait son pre- mier recueil de poésie Pour chanter dans les chaines et depuis, vingt nouveaux titres dont trois romans. ll nous présente cette fois, aux éditions I'Hexagone,deuxrecueils: Le Cercle de Justice et L'Octobre suivi de Dé- rives. Je dois dire tout de suite que je n'ai pas aimé le premier, que j'ai nette- ment préféré le second.
Chacun salt que la poé— sie est une voie difficile, la plus exigeante peut- étre puisqu'elle aspire a renouveler le langage. La démarche poétique est donc essentiellement no- vatrice et révolutionnaire ou elle n’est pas. Le Cer- cle de justice a juste— ment le grave défaut de ne rien bousculer, de ne rien renouveler. Bien que Michel Beaulieu réussisse par moments a faire en- tendre une voix ,originale et forte, cela ne suffit pas a faire passer la fadeur de l'ensemble.
L’éditeur nous apprend -
que le Cercle de Justice constitue un journal' du 15 novembre. Le poete écrit a un ami infidele, iI lui rappelle ce passé pas si lointain ou ils habitaient "les mémes territoires", il lui reproche so‘n silence et sa désertion: ”Je ne me souviendrai pas
de toi
que de loin en loin vague
image repassante
quand Ie désir n’aura de
lieu que lui-méme
c'est pourquoi je t'écris:
pour que tu le saches bien
toi aussi
tu n'as pas su me retenir ni
moi non plus
et c'était bien comme ca" Le ton est tour a tour se- rein et tourmenté, partagé entre la perte de l'ami et l'espoir du pays qui a “son p.emier rendez~vous avec l’histoire”. L'ensemble du recueil Iaisse une impres- sion de décousu et les trop nombreuses dédica— ces aux amis et aux per— sonnalités politiques ac- centuent cette impression. A chacun son poeme et au fond a personne l'ensem- ble. De toute evidence, ces textes auraient eu avantage a étre retravail- lés, maris et épurés des banalités etdeslieux com- muns qui les parsement.
L'Octobre suivi de
Michel Beaulieu
Une oeuvre poétique
Dérives présente une démarche poétique beau— coup plus assurée et beau — coup plus rigoureuse. Les procédés syntaxiques sont plus discrets et servent mieux le projet du poéte. Michel Beaulieu nous parle de la solitude, du silence et de l'angoisse. Les deux temps du recueil sont un constat quotidien de déroute:
"doucement vienne le prin—
temps
Michel Beaulieu
la fonte de nos vozx dans
le beurre de l'été"
On le voit, les images sont belles et contrairement au Cercle de Justice, le souffle est ici ample et continu.
En 1977, Michel Beau- lieu aura publié quatre recueils de poésie. C'est beaucoup! Cette virtuo- sité Iaisse a penser que I'écrivain publie a peu pres tout ce qu'il écrit, du bon et du moins bon.
Une page d 'histoire
Le métier d’armurier
par Jacques Larue—Langlois
Aux seules fins de me- ner a bien leurs visées colonisatrices sur ce con- tinent, les Francais qui s'y installerent les premiers durent prévoir d'amener avec eux et de bien traiter un certain nombre d’indi— vidus choisis d'abord pour leurs qualifications pro— fessionnelles. Ainsi, sur un territoire ou les deux occupations principales sont la guerre aux indige- nes et la chasse au gibier, le métler d'armurier est-il de premiere importance. Et voila pourquoi, dés le XVlle siécle, quelque 72 arquebusiers, serruriers, taillandiers et armuriers francais immigrerent en Nouvelle—France avec fonctions de suivre les armées du roi et d’assurer la réparation tant des' ar— mes de guerre que des fusils de chasse des co- lons et des indigenes a
qui on avait remis des armes a feu.
C'est un chapitre trés précis de notre histoire que raconte Russel Bou- chard dans Les armu- riers de la Nouvelle— France, une monographie de la série "Arts et mé- tiers" de la collection Civi— lisation du Ouébec pu— bliée par le ministere des Affaires culturelles du Ouébec. On y recence avant tout 206 artisans de ces métiers fort spécia- Iisés dont la pratique exi- geait d'abord trois ans d'apprentissage auprés d'un maitre, puis trois ans de pratique comme com- pagnon.
A travers des notes bio- graphiques, qui témoi- gnent de l'intensité des travaux de recherches qu'implique la publication de ce petit livre, ces "tech- niciens" d'une époque ré— volue revivent et, avec eux, les joies et les épreu- ves qui ont marqué leurs existences. Contrats d’ap— prentissage et de mariage,
, actes de ventes et inven-
taires replacent dans un contexte de vécu quoti- dien ces cent cinquante ans qui ont marqué le début de la colonie.
Les illustrations sont également de grande qua- lité et il importe de souli- gner l'intérét particulier que constitue Ia reproduc- tion de l’essentiel des planches et des définitions tirées de I'Encyclopédie de Diderot, sous le titre Armurier.
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