io -- L'EXPRESS DE ronouro
Semalne du t au 7 novembre 1988
LITTER/t TURE
Le coin des e’crivains La bougainvillée blanche
par DAGMAR USTOHAL ‘
(SUITE DE LA SEMAINE DERNIERE) l.c soir, its avaicnl l‘habllude de manger sur la liar/a. l.cs branches odoranlcs de jasmin sc txncliaicnl jusqu’a lcur table. Les criqucts rcmplissaicnt l'air dc leurs chants int‘aligables. rcndanl loutc conversation superflue. De toulc t'acon, ils avaicnl si pcu a se dire: iLs etaicnt un couple approchanl de la quarantaine. sans cnlanls.
Aprcs le repas. il avail l'habilude dc turner la pipe. Elle, lcs blondcs. En promenant un regard rancunicr sur Malandiko qui desservait. souvent cllc répétail:"Ah, ce type! Jamais il ri’ztpprcndra."
A quoi il rélorquail, impcrlurbablc: "Alors clungcrlc. lcs Ianius. c'esl pas cela qur manque. "
Mars cllc savail qu'ellc ne s'y résoudrail pas. (‘c n'clail pas si simple que cela. Depuis qu'il y availccs nouvellcs lots, il fallailpaycr le prcavis, il y avail des papiers a remplir el avcc loul ccla. quellc garanlie que le remplacant allail C'trc micux? Iillc en a deja vu défilcr, non sculcnrcnl dans sa propre maison. mais aussi chez scs amis et connaissances. De temps a autre émergcail une pcrle rare mais dans l'cnsemble, ccs types se ressemblaienl tous: c'élail dc la inauvaise graine. Apres tout. Malandiko n’eiail pas un mauvais bougrc. Si seulcmcnl il pouvail étre moins fainéanl! S’il pouvail nc pas dormir la nuiL Mais non, il donnail du somineil du juste au lieu dc garder la maison.
(‘haquc t0is qu‘cllc le relrouvait, accroupi dans lc coin de la bar/a. sa téte crépuc dodclinant sur la poilrinc. cllc éclalail de rage: ”Sale type! (‘omprcndras-lu un jour que tu cs payé pour garder la maison et non pour domiir'.’"
Alors. invariahlcmenl. tout en 5c frottanl lcs ycux. Malaridiko lui ot‘t‘rait son large sourire
qui, dans lc noir dc la nuil, scintillail d'une hlanclieur cclatanlc:" Moi pas dormlr. madamc. Settlement mcs ycux cligner un peu. El puis," il lcvail lcs bras au cicl, "il y a Mungu. Mungu cue tres hon. Mungu nous garder lous."
Mungu, [UUJOUI’S cct etemel Mungu qu'il t'ourrail dans tout. lls élaicnt tous pareils. ces Ncgrcs. Elle cn avail marrc dc tous. Rien qu'a enlcndrc. prononcer cc mot "Mungu" elle étail (léia éctx‘url‘c. (‘omine c'était long ces trots ans! 'l‘rois ans sans rcvoir l’Europc. Elle avail hétc dc parlir.
La riuit élail cliaudc, tres chaude.
Elle se loumait cl se rctoumail sur son lila la recherche d‘un sornmeil qui ne venail pas. ll t'aisait élouttant. Soudain, il lui scmbla enlendrc uric l'usillade. Elle so dressa sur lc coudc. Le silc .cc régnail tout aulour. Alors elle sc rccoucha. '_.xth)l une rafale uoua la nuiL Elle sc rcdlcssa. La ral'alc continuail, bien nourric ccllc ltllYCl. Mon Dicu. pcnsa-l-elle, on tile! lillc sauta du lit. alluma la lampe dc chcvcl. Puts rcsla mdécise. Lui continuail a dormir, a plat vcnlrc, selon son habitude. Elle songca a lc sccocur, hésila. Dchors, tout rclomba darts lc silence. lillc se demanda un moment si cllc revarl.
Cepcndant, cllc cnt‘ila son peignoir el sonil sur la poinle dcs picds‘.
Au milieu dc la barla, Matandrko sc tenail. cnvcloppe dans sa couverlurc. lcs bras cruises sur la poiirine. Elle vil ses dents blanchcs et le hlanc dc ses ycux dans l'ebcnc du visage.
"Matandrlvto, que sc passe—HI?"
"Malnndrko pas savoir, Madame. Mungu scul savotr,.."
"Mais... on lirc'.”
"()iii, Madame, bcaucoup dc t'usils trier..."
Unc nouvcllc ratalc rctenlil. ll scrnblailque cela vcnail du cote dc la station dc radio. Elle
leva uric main hésiiante, dil: "Labas'?"
L‘homme noir acquiesca avec graviie.
lls resterenl ainsi, l'un en {ace dc. l‘autre. comme des naufrages dans un univers subitemcnl irrecl, saugrenu. El lcs coups dc fusils retentissaienl dans la nuil, suivis de lrous d'un silence (Strange. Un silence lourd dc présa es.
L’fiomme noir ne disail rien el la lemme blanche, toute menue en face de cettc grande statue muetle, senlail quelque chose d’e’lrange Holler autour d‘eux. C’étail un sentiment inexplicable fail dc peur el d’élonnemcnl, d'appréhension el de slupeur. Une sorle d'horreur sacnée. peut-élre. Elle regardail cet hommc et subitemenl. cllc le voyail aussi impuisanl comme un tout pctil ent‘anl. lit cllc sentait sa propre impuissance a elle.
Ils resterenl ainsi longtcmps, longtcmps. l'un en face dc l'aulre, cl la nuil continuail a étre nourn'e de rafalcs... ’
La tentative du coup d'EtaL mal organisée, ne pouvait qu'échouer. L’insurrcclion avail pourlant surpris; pendant deux-trois jours, le pays avail floltie dans un imbroglio total. Puis commenca la répression. Elle t‘ul sauvage. 0n arrétait lcs membrcs de l’ethnie insurgée. Par dizaines, par milliers. La lerreur sévissait. Personne n‘élail plus sr‘rrde rien, on n’étail plus sfir dc pcrsonnc.
Chaque soir. clle guctlait l'arrivée de Matandiko. Quand elle lc voyait approcher de la grille. poussanl son vélo. ellc se sentail soulagée. presque heurcuse. Parm scs arms el ses connaissances combien étaient ccux qui virent disparaitre leur domeslique. Parlors méme deux ou lrois. La terreur régnail. ()r cllc savait; depuis la nuil ou elle avail ecouié avec Malandilto lcs rafales sur la bar/a. cllc savail. Elle en avail la certiludc: son zamu élarl menace. Les origines clhniqucs representaicnl
un sujet labou panni les Atricainx, cl lt‘x lllilllt \ memes, quand ils en parlaicnl, lc lithlllt’lll m cc circonspeclion. Mats lors (lc ll-lic llllll tollc L'l sauvage, elle avail dcvrnc. ltl cllc avaii pl-ilr pour Malandiko.
Elle ne voulail plus plirlir cii \.l\‘.ttlcl“ t'l- pays qui l’avail auparavaiii cunpcicc subilemenllui lcnail atociir. l;llc n'aiiixail pr 5: se résoudrc ale qUillcr. lullc \ciitziil qtic [lllllll cc scrail lrahir.
Quand cllc lur (lit qir'cllc volilail rcslci, ll I :l lraila dc t‘ollc.
"Alors que lu avais lc tcu all c ul,1llnl\ quc lll poussais a la charcllc. ticllcr Ic camp 7- \ oila cc que lu voulais. lit au plus \ilc! l\l.ll\ lll cs complclement ciiiglcc. Qll'CNliL‘ quc l is! encore quc ccttc hisloirc‘.’ (‘april c dc lciniiil-’ Pas question, on va parlir? "
Ainsi, la morl dans l‘anic, cllc til lc'x \;lll\c\ La veille du depart. cllc sa (lecilla a l'iiltinil- démarche; quand Matandillo pouw la grille cllc vinl a sa rcnconlrc
lr zamu s‘arrelzr, uri pcu \llrplh l’iiix ll dil "Yambo. Madame!"
Elle souriait, hesilantc. iic sat lllllll own due Enlln. ellc sc mil 3 parlcr, préc‘ipilaniiiicnl' "Malandilto, il taut que lu parlcs! Jc tc llonncnii dc l'argcnt. Ne rcslc pas. Vu~l~Clll Val ciif'
Malandilto sccoua la lclc: "l’arlirf Marx pour aller of], Madame?"
"N'imporlc 00. Au Kassai. Au Kalanga. Passe la frontiere! Ne rc~lc pas drum to pay x?"
Malandtko conliriuarl it sccoucr la ll‘lc: “Moi pas pouvoir partrr, Moi avoir ili ma lemme. Ma matxon. l.c\ L'lll‘dllh .lll\\l (‘oinmcnl Malandiko pouvoir parlir "
"Ah la maison... la lllilhtlll... maix ll- ii‘csi qu‘une pauwc lliillc! ’l‘a tcninic. lcx i‘lll;llll\. cnrharqueles. l-‘icllc lc camp?”
"Non, Madame. non. MaLtiillilu pas pouvotr partir. Mats," cl ll lcva lcs hrax .m \ lcl.
fit
I l l l l l
' tunyu étre la. Mungu étre tres bon. Si Mungu pm. \oulmr, pcrsonne pas cnlever un scul l llt‘Vk‘ll dc la lctc dc Malandiko..."
"r )h l;tl.\»lt)l. Toujours avoc cc Mungu..."
'Mais Mungu hon. Kabisa. Madame. Non. Malaiidiko pas parlir. Matandiko rcslcr ICL Malaridilto grandir la bougainvillc’c dc \‘lallaiiic. Quand Madame rcvcnir‘ lmnaaiiivillee plelnc dc t‘lcurs. Matandiko proiiicllrc a Madame."
'()li. Malandiko. Malandiko..."
l-lll- cut voulu continuer. mars sa gorgc ~\ 'clail nouéc. tout a coup. Ellc se délouma pour qli'il iic vii pas les larmcs glisser sur scs Joues.
(A SUIVRE)
Du rccuei! dc nour'elles que Dagmar Ustohal pre’pare sur I‘Afrique. L’Express dc Toronto (I publié, en mars dernr'er, une hisroi‘re amusanre: «A vez~vous déjd vu un éléphanl s‘asseoir». Aujourd'lrui‘, I'autcure nous cunfie une autre nouvelle qui fem panic du mime rerueil. «I41 bougamvillée blanchr» s'impire dc: (vénements qui, en 1972, cndcuillérent un peril pays au centre de I'ltfn'que. In nouvelle a remporlé le premier pn‘x du (,‘oncours litréraire de la Société des ccrimlns canadiens de Toronto. 1e 25 arril I988. Iz‘llc est didiée a Mme (‘hrt’slinc Alri'n-lataud.
Crls er Blues: Jean-Marc Dalpé.
cntretcnir Ia t'lamme.
Trcmhlay. FB
Cris et Blues: une musique franco-ontarienne mature
Les nostalgiques dc I’explosion politico-culturclle canadicnnc- trancaise des anne’es 70. mats ausci lcs amateurs de rock contemporain sérieux. peuvent compter sur Marcel Aymar ct Jean-Marc Dalpé pour
Cris ct Blues, la production du Théfltre du Nouvel-Onlario qiic seulc une soixantaine dc Torontois soul allés voir au Factory Theatre Lab di- manche dcrnier. est promise a une reconnaissance nationalc. Si jama'ts cc concert de rock et de peak revcnait a Toronto. il y a for! a paricr que tous ces spectateurs conquis y retoumeraicnl ct. oettc tots. inslstcraicnt pour que tnus leurs am's lcs y accompagncnt!
llne compagnic de "théfltre" nous promettail dc la "poésic"... mats c‘est un concert rock pu'mant ct extraordinaircmcnt bicn rodé qu‘on préscnté Marcel A ymar ct Jean-Marc Dalpé. a la fois chantcurs. musi- cicns ct comédiens. mists aux claviers. synthétiseurs, flute ct saxo- phone do Marc (Iholette et Sylvain Lavoie. Cris cl Blues met on musique dos textes dos grands noms do In nouvelle Iittératurc franco—nntarlenne: Patrice Desbiens. Robert Dickson. Mariette Théhcrgc ct Gaston
I * Consent de la radiodmusmn at des telecommunications canadiennes
Canadian Radrolelevrsvon and Telecommumcations Commuss-on
(Ont )APPROUVE Licence vrsanll'ex de languo anglaise pour to diffusion Coast‘ La licence expirera le 31 mai 1989
Déclslon
000$th 88 760 Standard Broodcutlng Corpoutlon leltod Toronto Itation d‘un resend radrophoniquo l'émission 'Don Cherry Coast to
00 pull-lo the In document: du CRTC? Les documents du C R T C pouvonl élro consultés dans la 'Gazotte du Canada'. do C R T C at darts la section tétéronoe dos blbliot commons du Consort concornant un titulaire do licence peuvent élre con sultéos. a 505 bureaux, durant lea houroo normales d'attairos Vous pouvoz agaloment obtenircopie dos documents publlcs du C R T C en roger nant lo Consoil a Ottawa/Hull (8m) 99770313, Halitax (902) 426 7997, (514; 283 6607. Winnipeg (204) 9836306 at Vancouver (604) 666 2111
Canad'él
6/975
mo 1, aux buroaux ques publlquos Les
onlréal
GRAND PRIX LIT'I'I’ZRAIRI‘.
GUERIN
1987 [’RlX MOLSON DY.
L'ACADEMIE
CAN/\DlENNE-FRANCAISI‘.
1988
lR\\( l'\l l)'\\llll R
”18 l)l\l‘\.\'(llll.8 SUN'I \lllR'l‘llS
FRANCINE D'AMOUR
LES DIMANCHES SON T MORTELS
(:uuriii littoralurc
- )
GRAND I’RIX LITTER/URI)
GUERIN
“)87
I'RIX N1()I.S()Nl)l‘.
L'ACADEMIE
(IANAI)lllNNlZ—I'R/\N(IAIS[I
“)88
wiv "mire.
immmapn .