8 < l,’t-‘\l’Rl-‘SS —Semainedu 15 au 2i 'uillet 2003 i

Paul-Francois Sylvestre

(eitains auteurs nous ensortelent pai leui sens de l'intrigue et du suspense, a on point tel que nous ne iatons point la chance de les lire des que l’occasion se presente. in te qui nie coiiceriie, le roiiiancier anieritain Michael (‘onnelh' lig- ure parini ces lieurein elus. Ses polars sont pulilies en traduction trancaise au\ lditions du Seuil et se pretent bien a une lecture plus legere en cette periode estivale. \pres avoir deuire Hurting lilli/, ie nie suis attaque a In lum' emit iioin et i'ai plonge dans l’univers sordide des casinos de l as Vegas.

l intiic'iie tlll '«‘lll.ill de \lhlltlt'l t \‘llllk'll\ st tlt‘lllllll‘ en iaipe pai'tie daiis uni \lllt' oii tout eiait lait poiii tassei ll" lllllll‘lllii!l\ Helon le qiii'lqiii llt'll.

ioiiiaiitiei s: \llk‘\\' est lama»

illlt llll \li‘lllt' l .is \etpas

t t‘sl \llis \ tliaqiie pate d lll‘illlt'lll‘lt'\ st‘ tli’essait on Home) clal‘lisseiiieiit iio iioinel lltllllllltlilt‘ .i la deiiiesiirc et a la iiipidilc l .iiiteiii ii \ \a d .iilleiirs tuillere

\Ullli’ th‘

\ltl\ ilt iii

no .l\t'\ le

loisqiiil deti'il les gens qiii lieqiieiiteiit les tasiiins de las \egas lls tilllill.llt‘lll .l\l'\ des

sti'ipteaseiises oii dcs piites. ils piiiiiiaient lt'lll .ll:;t'lll el il\.l|i'lii ioiite \lt renti‘i‘i .lie/ t‘ll\ oil alors

Pierre Karch

lLlVRlES

Un polar riche

en cupidité et démesure

l'argent, pretendait l‘enipei'eur Vespasien, n'a pas d'odeur. ll avait sans doute raison. Mais ce qu'il ne dit pas, c‘est que l'argent ternit tout. ("est la these de la premiere

ils en gagnaient des tonnes et ne \ oulaient plus reintegrer leur domi- t'llt‘."

l.as V *gas attire sans doute d'autres clienteles, niais celle que le romancier choisit de niettre en scene .sait n‘iieux manier les armes que ieter des des ou distribuer des cartes. Les personnages sont presque tous impliques dans des affaires louches. Certains travaillent avec des éclaireurs qui ont de l’teil et qui savent reconnaitre «Lin lion li\'re» (expression utilisee pour designer une personne que l'on peut aisement voler). .orsque qu'un eclaireur se met a e\pliquer en details comment il a repere une bonne cible, l’auteur se laisse aller a un joli jeu de mot et ecrit la replit ue suivante : «Lis—moi iuste la derniere pa ve du roman.»

)ans In lune i‘tuit iioire, le «bon li\'re» en question est un lioinine qui se promene avec une mallette cadenas‘see a .son oignet, sans compter le fric qui c eborde de ses poches. C'est avec cette cible qu 'une certaine Cassie Black doit avoir un rendez—vous payant. la rencontre s’averera beaucoup plus lucrative et tort plus dangereuse a court et a long terme. Tout le passe de la ieune t‘enime retait surface et I'operation au casino Cléopfitre devient une

SUR SCENE e

Le festival Shaw, 5: Niagara-sur-le-lac Widowers’ Houses : l'argent ternit tout

piece de G. B. Shaw, écrite entre 1884 et 1892. Elle appartient, avec Mrs. Warren's Profession aux Plays Unpleasant (1898). l’ourquoi «désagréables»? Parce que l'une et

ltll Tillllll

POISONOUS PASSION:

The Films of ”Henri-Georges Clouzot July 18 to August 12, 2003

For more information visit the OiilCtal website or call:

E968-FILM

www.bel|.ca/cinematheque

® Qntario

ill!

mm-ui

m...»

9?,

(.umda ( mini il

tm the Au.

(lil'\"tl rim Ans ill: {.omrla

lllil llllllllltl lllit‘lllilillllml llllll lesli ail liltllll) I“ a r llallllvllllt‘ illlllll ll illlll t‘tllll «twill rwi llll ' llltlll lv eleil lo ’t‘l”lll.tilllt) m r‘llt‘lll." lll llllll am) the ”WWW uninit-

l'autre traitent de suiets dont on ne parle pas en bonne compagnie : la pauvreté et la prostitution.

La pauvreté

Shaw se penche d'abord sur la situ— ation des pauvres a Londres. La loi leur interdit, a l'époque, de vivre dans la rue. lls doivent Clonc se trou- \'er un gite. Mais, quand on n‘a pas assez d'argent pour louer un appartement, que tait—on? Line famille peut partager one piece avec une autre famille ou meme deux ou trois autres, puisqu‘il se trouve des proprietaires pour louer des logis au pied cube.

C'est ce que tait Sartorius (lim Melon), un liomme d attaires. Qu'on ne lui dise surtout pas que (est un salaud. ll ne l‘est pas. ( e qu'il fait est legal et, si l‘on pousse les choses un peu plus loin, on pourrait aller iusqu'a dire que c'est un philanthrope, puisqu'il heberge des indigents.

L’amour lintre en scene le ieune docteur Trench (Dylan Trowbridge) qui tombe amoureux de la tille (lisa Norton) de Sartorius, qu'il rencon— tre lors d'une croisiere siir Ie Rhin On passe rapidement, en cette tin du XIX' siecle, d'une question anodine a une deniande en

intrigue lineinent arcliitecturee par un roiiiancier qui inaitrise l’art du suspense a men'eille. (in apprend que ladite ( assie a des gestes a .se laire pardonner ' ~l)ieu sait com— ment, elle en etait \enue a croire que sa ciilpabilite serait moins lourde et que tout w qui s’etait passe a\ant serait rachete si elle s'acquittait ctirretteiiieiit de s‘d taclie. l...) Si elle laisait bien Ce boulot, elle pourrait remonter le temps et se ldll’t' pardonner ses lautes, quand bien meme ce pardon ne durerait qu'un instant.» Mais (elle taclie dont Cassie Black doit s’acquitter risque de faire couler beaucoup de sang. ..

l.e casino (‘leopatre ressemble a tin qiiartier general de la mafia, Les ordres y sont emis et les tetes tombent Ies unes apres les autres. Un mort surgit a presque toutes les 30 pages. l’our y echapper, Cassie Black doit se rendre «iusqu'a l'en~ droit ou le desert se lait ocean». Son irincipal adversaire est le sadique ack Karch dont le plan d’attaque repose sur la usyiichroiiicite» (neo- logisme invente par Carl Jung en 19le pour decrire une coincidence apparemment significative entre des e\'enements similaires ou iden- tiques .se repetant daris Ie temps). Comme ie ne veux surtout pas ven-

mariage. Mais il y a un hic. [la tamille aristocratique du preten- dant acceptera-t-elle qu'il epouse la fille d‘un richard sur lequel on sait bien peu de choses?

0n ecrit a tous les membres importants de la t’amille du docteur une lettre asse/ avare de ienseigne- ments precis. Comme personne ne .sait lire entre les lignes, tous sem— blent encliantes. Le manage est con- clu. l’uis, le fiance apprend d'ou \‘ient la fortune dont il \'a profiter.

Lu conscience Ha mnsciencc le trouble. ll tait une scene a son lutur beau-pere qui le remet a sa place. Harry Trench pre— tend iie \'ouloir \i\'re que de ses inodestes nwenus qui s'elevent a 7le |i\‘res par annee. Quel place- ment a—t‘il fait? Sartorius le lui rap- pelle : il a place son argent dans une hypotheque qui lui rapporte 7"”. A qui a-t»il tait cet emprunt? A Sartorius. Comment lui rend-il cette rente? (e sont les plus pauvres‘ de l ondres qui paient la note.

Ia tomedie tourne au drame. Que] role la morale petit‘elle iouer dans un monde capitaliste.’ Aucun, de toute evidence, car on ne peut que se salir les mains des qu'on place de l'argent. L'eci \'aut aiitant pour les lliLllVltllh que pour les col~ lecti\ites qui gerent les tonds de

dre la ineche, ie ne \oiis en dis pas plus an suiet du denouement Saut cette petite precision : «il n'y a pas de meilleure luite que celle qui passe iiia iercue».

le style dc Michael (‘oiiiiellv est souvent iina e on colore. ll peut comparer Jac Karch a on as de pique, puis laisser tomber qu'uil y a des tois ou (Cassie) pique trop de tric». l‘our decrire un ioueur dans les coulisses criminelles du casino, le romancier ecrira «’lel l'avocat qui au tribunal ne pose jamais de question sans en connaitre la reponse a l’avance, le \‘oleur profes- sionnel ne pique iamais a l'aveugle, Faucher des trucs sans connaitre les risques encourus n’est pas son genre.» les dialogues demeurent presque touriurs savoureux et nous aissent faci ement imaginer l'allure des durs a cuire. Voici l/exemple d’une replique u'lu voulais me blouser et tu croyais avoir trouve la solution. Sauf que ie le savais et que ie m’en suis servi, mec. Un vrai piano que t’etais. J’en ai ioue comme je voulais, mais maintenant la chanson est terminee. Ft donc, va te iaire mettre.»

Quand le roman débute, le lecteur se trouve dans une maison mise en vente par un couple qui doit s’installer a Paris avec eur il— lette. Cette scene he revet une signi- fication que plusieurs chapitres plus tard. Entre-temps, le lecteur comprend que l’enieu est mille fois plus enorme que ce a quoi il poti- \'ait s’attendre,

Michael Connellu, La lune etait noire, roman tradutt dc I'umericuin pui’ Robert Penn, collection «I’olici'er», Editions ill Scull, Paris, 2000, 378 pages.

puulfrunniisefisi/mpiitico.oz

retraite pour leurs membres.

Shaw n'offre pas de solution a la question qu'il souleve, parce qu'il n')‘ en a pas. La vie continue. Mais plus personne ne peut \'raiment se sentir a l'aise, sachant ce qui se passe. C omme on ne peut pas l'ou» blier non plus, on met tout simple~ ment la question de cote, ce qui ne revient pas tout a tait a deplacer le probleme.

Et l'auditoire? Le festival Shaw n'attire que ceux qui sont un peu bourgeois. Cest ce qui fait que cette piece se mérite bien le qualificatif de «désagréable» que lui a donne le dramaturge. D'ou le courage de la monter.

Mes voisines, dans la salle, ne l'ont pas aimée. Moi, si, meme si cela me met un peu mal a l'aise. Mais on finit touiours par s'accom— moder avec sa conscience. Un cri- tique de theatre peut, par exemple, quand cela ne fait pas son attaire, reléguer le texte et son message au second plan et s'arréter sur la presentation et la valeur historique de la piece qu‘on place alors dans l'ensemble de l'teuvre.

Excellente mise en scene de Joseph Ziegler. Tres beaux decors de Christina l’oddubiuk.

Ce qui etonne, c‘est que, dans sa premiere piece, Shaw annonce deia tout ce qui va venir. Son genie est la, entier, sa verve aussi,

Widowers’ Houses, uu tlu‘iitu' Court House, a Ni'uguru‘sur‘Ie—liic, iiisqu 'uu 4 oclolm‘ 2003. Billt’lti’rit' .' 7429 ou ti'uinnsliuufti’stconi

#8006117

Entre en scéne le jeune docteur Trench (Dylan Trowbridge) qui tombe amoureux de la fille (Lisa Norton) de Sartorius.

L’équipe de rédaction de L’Express vous invite 2‘1 lui écrire tout l’été! Que vous nous lisiez au bureau ou sur une plage 5i l’autre bout du monde, vous pouvez nous envoyer vos commentaires, questions, réflexions a: express@lexpress.to

Et... bon été a tous!