lDe la fignfcatian des Mots. LIV. Ill. 327

munes, & de toutes les Subltances qui fe prefentent fouvent 8: familiere- C HAP. I I,

men: a nous.

§. 7. Il fant remarquer, en fecond lieu, que, quoi que les Mots ne f1- gnifient proprement 6c imrnédiatement que les idées de celui qui parle ; ce- pendant parce que par un- ufage qui nous devient familier des le berceau, nous apprenons trés-parfaitement certains fons articulez qui nous viennent promptement fur la langue, 8c que nous pouvons rappeller i1 tout moment, mais dont nous ne prenons pas tofijours la peine dexaminer ou de fixer exa€tement la fignification, i1 arrive finwent que 1e: hommes appliquent da- wntage Ina‘: pen/Ea: aux mot: qzfaux aha/es, lors méme qu’ils voudroient s'appliquer it confiderer attentivement les chofes en elles-mémes. Et parce qu'on a appris la plfipart de ces mots , avant que de connoitre les idées qtfils fignifient, il y a non feulement des Enfans, mais des hommes fairs, qui parlent fouvent cornme des Perroqtiets, fe fervant de plufieurs mots par la feule raifon qu’ils ont appris ces fons &qu’ils fe font faitune habitude deles prononcer; Du refte, tant que les Mots ont quelque nification, il y a, jufque-la, une confiante liaifon entre le fon & Fidée , §z une marque que l'un tient lieu de Pautre. Mais f1 l’o'n n’en fait pas cet ufage, ce ne font plus que de vains fons qui ne fignifient rien.

On fe fen (on.

vent de mots auxqucls on nanaclie aucu- ne iignification.

§. 8. Les Mots, par un long 8c familier ufage, excitent, cornme nous 1a fisnifinrion

ve nons de dire certames Idees dans l Ef rit re lement 8c avec tant de Z r P g P

Mots efi _

rfaitemen!

promptitude, que les hommes font portez a fuppofer qu’il y a une liaifon “biuaifi-

naturelle entre ces deux chofes. Mais que les mots ne fignifient autre cho- fe que les idées particuliéres des hommes , & cela par une inftitution tout- a-fait arbitraire, c’eft ce qui paroit évidemrnent en ce qu’ils n’excitent pas tofijours dans PEfprit des autres, ( lors méme qu’ils parlent le méme Lan- gage) les mémes idées dont nous fuppofons qu’ils font les fignes. Et cha~ cun a une f1 inviolable liberté de faire fignifier aux Mots telles idées qtfil veut, que perfonne n’a le pouvoir de faire que d’autres ayem dans FEfprit les mémes idées qu’il a lui-méme quand il fe fert des memes Mots. Ceft- ' pourquoi. Augufie lui-méme élevé a ce haut dégré de puifllance qui le ren- , doit maitre du Monde, reconnuc qu’il n’étoit pas en fon pouvoir de faire un nouveau mo: Latin; ce qui vouloit dire qu’il ne pouvoit pas établir par fa pure volonté, de quelle idée un certain fon devroit étre le figne dans la bouche-Gz dans le langage ordinaire de fes Sujets. Ala vérité, dans toutes les Langues FUfage approprie par un confentement tacite certains fons i1 certames idées, 8c limite de telle forte la fignification de ce fon, que qui- eonque ne Papplique pas juilement a la mérne idée, parle improprement: it quoi fajofite qu’a moins que les Mots don: un homrne fe fert, rfexcitenf dans YEfprit de celui qui l'écoute, les memes idées qu'il leur fait fignifier en parlant, i1 ne parle pas d’une maniére intelligible. Mais quelle que foit la conféquence que produit Fufage qu’un homme fait des mots dans un fens difierent de celui qu’ils ont géneralement, ou de celui qu’y attache en par- ticulier la perfonne i1 qui il addrefle fon difcours, il eft certain que par rap- port ‘a celui qui s’en fert , leur fignification eft bornée aux idées qu’il a dans

l'Efprit, & qu’ils ne peuvent etre fignes daucune autre chofe. I A C H -